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BIODISPONIBILITE DES MEDICAMENTS HYPOTONISANTS

Ph. DEMAILLY

PLAN

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 L’étude de la biodisponibilité des drogues antiglaucomateuses ne présente un intérêt pour le praticien que si elle débouche sur une meilleure façon de prescrire ces médicaments, sur une meilleure compréhension de leurs effets secondaires.

En dehors de l’acétazolamide per os, les drogues hypotonisantes sont représentées par des collyres. Ils sont, en règle, en solution aqueuse.
La structure de la cornée, qui ne se laisse traverser que par des substances fortement lipophiles et le perpétuel renouvellement du film lacrymal sont des obstacles majeurs à la pénétration des principes actifs à l’intérieur de l’œil. Ainsi, l’instillation d’un collyre, par l’apport volumétrique qu’elle induit, provoque une augmentation de 30 % par minute du turn-over lacrymal, diluant ainsi le principe actif. En conséquence, quinze à trente secondes suivant l’instillation, plus de 80 % de la solution administrée est drainée par le flux lacrymal vers le canal lacrymo-nasal et passe dans la circulation sanguine.
Pour pallier cette mauvaise biodisponibilité oculaire, les collyres sont nécessairement des solutions assez concentrées en principe actif.
Pour éviter l’augmentation du flux naso-lacymal et le passage systémique il est intéressant de faire pratiquer au patient une occlusion digitale naso-lacrymale immédiatement après l’instillation.
Enfin, si la biodisponibilité systémique des drogues antiglaucomateuses est bien connue lorsque ces dernières sont absorbées per os, comme la plupart des ß-bloquants, les incertitudes règnent lorsqu’elles sont administrées en collyre, faisant alors intervenir les susceptibilités individuelles.

RETOUR BIODISPONIBILITE DE LA PILOCARPINE

La biodisponibilité de la pilocarpine est essentiellement oculaire.
La pénétration oculaire se fait au travers de la cornée. Elle est rapide puisque, cinq minutes après l’instillation, de fortes concentrations sont retrouvées dans la chambre antérieure. Différents facteurs peuvent améliorer cette pénétration :  l'utilisation de méthyl-cellulose, un pH acide, une élévation de la température locale, la vaso-dilatation des vaisseaux limbiques, l’inflammation oculaire. En revanche, ni la répétition des instillations, ni l’augmentation de la concentration ne l’améliorent en raison de la perte pré-cornéenne de la pilocarpine par les larmes. L’occlusion digitale ne modifie pas non plus l’efficacité.
La biodisponibilité intra-oculaire est fonction de la couleur de l’iris. La pilocarpine se fixe sur les cellules pigmentées de l’iris et du corps ciliaire. Pour une efficacité égale, de plus fortes concentrations sont nécessaires chez les mélanodermes.
La durée d’efficacité de la pilocarpine est courte: quatre à six heures. Elle ne peut-être prolongée que par une association à des matrices de polymères, des gels ou des systèmes "ocusert". Ces derniers, bien que non commercialisés en France, sont les plus intéressants. Leur durée d’action est d’environ une semaine. La libération se fait à un taux constant et correspond à la délivrance totale de quatre gouttes de pilocarpine, ce qui réduit considérablement les effets secondaires.

 RETOUR BIODISPONIBILITE DES BETA-BLOQUANTS

Le passage intra-oculaire.

La pénétration cornéenne est conditionnée par le caractère lipophile du produit. Ce dernier circule sous forme moléculaire liposoluble à travers l’épithélium et l’endothélium, sous forme ionisée hydrosoluble à travers le stroma. En conséquence, la pénétration cornéenne des ß-bloquants dépend du rapport entre la lipophilie et l’hydrophilie (figure). A l’exception du cartéolol, les ß-bloquants utilisés en ophtalmologie sont classés parmi les substances lipophiles.
Un passage limité est également possible à travers le limbe, la conjonctive ou la sclère. Le produit gagne les espaces vasculaires, le stroma cornéen ou le segment antérieur.
La pénétration cornéenne est très variable suivant les individus. En moyenne, la concentration, par exemple, en timolol dans l’humeur aqueuse atteint des taux très significatifs en 1h30, 1h pour le cartéolol, 20 minutes pour le betaxolol suspension. Ce dernier est fixé à un véhicule changeur d’ions qui permet de prolonger le temps de contact du produit avec la cornée, et, de ce fait, pour une efficacité égale, d’en diminuer la concentration.

La biodisponibilité intra-oculaire.

Une fois dans l’humeur aqueuse, le ß-bloquant est distribué aux structures tissulaires du segment antérieur : iris, corps ciliaire, trabéculum, canal de Schlemm. Les grains mélaniques présents dans le corps ciliaire le retiennent. Ainsi la couche pigmentée de l’épithélium ciliaire agirait comme un réservoir, libérant progressivement le médicament, améliorant ainsi la biodisponibilité oculaire et l’accumulation du produit près des sites récepteurs.
Certains ß-bloquants, comme le métipranolol sont transformés en métabolites aussi actifs que la molécule mère.

 Le passage systémique.

Il est le fait essentiellement de l’absorption du produit par la muqueuse lacrymo-nasale ; à un faible degré, par son passage dans la circulation veineuse uvéale.
Les taux sanguins des ß-bloquants après instillation unique sont relativement faibles chez l’adulte. Ils sont beaucoup plus importants chez l’enfant et chez le nouveau-né. Au cours d’un traitement prolongé, des phénomènes d’accumulation comme des sensibilités individuelles peuvent expliquer les effets secondaires généraux, même si les concentrations plasmatiques restent très faibles.

 Biodisponibilité générale.

Les ß-bloquants parviennent directement au cœur par la circulation veineuse céphalique puis gagne l’appareil broncho-pulmonaire avant d’être redistribués à tout l’organisme par le coeur gauche.

Le passage hépatique.

Contrairement aux ß-bloquants oraux qui, après absorption intestinale, vont directement au foie par la veine porte, les ß-bloquants locaux ne subissent que tardivement le phénomène du premier passage hépatique. L’instillation d’un collyre ß-bloquant dans l’œil équivaut à l’administration intraveineuse du même produit. Le processus d’extraction hépatique est fonction du degré de liposolubilité. Il est donc faible pour les substances hydrophiles comme le cartéolol.
Certains ß-bloquants sont transformées en métabolites actifs (lévobunolol, métipranolol) ou moins actifs (befunolol). D’autres sont pratiquement neutralisés comme le betaxolol ou le timolol.

Le rôle des protéines plasmatiques.

La biodisponibilité générale reste importante si le principe actif n’est pas fixé par les protéines plasmatiques. Cette fixation est variable suivant les ß-bloquants. Plus la fraction libre non liée aux protéines plasmatiques, celle qui agit sur les récepteurs, sera importante, plus grands seront les risques d’effets systémiques.

Le volume de distribution.

Si la répartition des différents ß-bloquants dans l’organisme est rapide, leur volume de distribution est très variable. Il est fonction du degré de lipophilie, de la fixation protéique, du débit sanguin tissulaire local.
Les organes les plus ciblés sont le cœur ,le foie, les poumons, l’œil adelphe et le cerveau pour les molécules les plus lipophiles.
Le passage à travers la barrière foeto-placentaire et dans le lait maternel est lié à l’importance de leur lipophilie et de leur fraction libre plasmatique.

La selectivité des ß-bloquants.

Chaque organe-cible présente en proportion variable les deux types de récepteurs ß1 et ß2. Les récepteurs ß1 prédominent au niveau du cœur et de l’appareil rénal juxta-glomérulaire ; les récepteurs ß2, au niveau des vaisseaux et des bronches.
Les ß1- sélectifs comme le bétaxolol sont donc susceptibles d’éviter des effets secondaires broncho-pulmonaires et, par leur forte adhésion aux protéines plasmatiques de limiter les phénomènes cardiaques.
Mais la sélectivité est un phénomène relatif. Il dépend de la dose utilisée et disparaît avec l’augmentation de la posologie. Il dépend aussi des susceptibilités individuelles.

Elimination .

Les modalités d’élimination des ß-bloquants et de leurs métabolites dépendent de leur lipophilie. Les molécules les plus lipophiles sont métabolisées par le foie, excrétées par voie urinaire sous forme inactive. Pour les moins lipophiles, l’excrétion urinaire se fait sous forme de molécules intactes.
Le bétaxolol, le levobunolol et le carteolol ont les demi-vies d’élimination les plus longues, donc plus de potentiel d’accumulation. D’une manière générale, la demi-vie biologique de plus de 12 heures des ß-bloquants explique leur effet thérapeutique prolongé.

RETOUR LA BIODISPONIBILITE DES SYMPATHOMIMETIQUES.

Les alpha-bêta-stimulants

L’épinéphrine
Son pouvoir de pénétration intra-cornéen est faible puisque seulement 3 à 5 % du produit administré se retrouve dans la chambre antérieure. Il faut donc utiliser de fortes concentrations.
Mais la plus grande partie du produit demeurant dans le cul de sac conjonctival risque de provoquer des effets secondaires locaux ou des effets systémiques en passant directement dans la circulation sanguine via la voie lacrymo-nasale.
La dipivalyl-épinéphrine
Il s’agit d’une prodrogue associant l’acide dipivalique à l’épinéphrine. Cette molécule a la propriété d’être beaucoup plus liposoluble (100 à 600 fois supérieure à l’épinéphrine).
La pénétration cornéenne est grandement facilitée (8 à 10 fois plus) ce qui permet une plus faible concentration du produit, une diminution du risque d’effets secondaires. L’épinéphrine est libérée sous l’effet des estérases présentes dans la cornée. La totalité du produit passe dans l’humeur aqueuse deux heures après l’instillation. Chez le lapin, la DPE et ses métabolites se distribuent rapidement dans les tissus et les liquides intra-oculaires, principalement dans la conjonctive, la cornée, l’humeur aqueuse et l’iris.
Leur demi-vie d’élimination hors du segment antérieur ne dépasse pas trois heures. A la différence de l’épinéphrine, l’absorption systémique se fait, pour la plus grande part, au travers de la barrière gastro-intestinale.

Les alpha- 2-stimulants

Il s’agit de molécules très sélectives vis à vis des récepteurs a2-adrénergiques, ce qui limite donc leur affinité pour les a1-récepteurs responsables d’effets secondaires fâcheux (mydriase, vaso-constriction, rétraction palpébrale).

L’apraclonidine
L’apraclonidine n’est pas dépourvue d’une certaine affinité pour les a 1-récepteurs du segment antérieur. Néanmoins elle reste faible et son affinité vis à vis des a 2-récepteurs est 63 fois supérieure.
Sa pénétration cornéenne est faible en raison de son caractère hydrophile et fortement ionisé au pH physiologique. Cette faible absorption cornéenne est compensée par une pénétration conjonctivale et sclèrale significatives (65 % de l’absorption oculaire).

Biodisponibilité oculaire .

Dans la cornée, le pic de concentration après l’administration du produit apparaît à la 20e minute. La concentration maximale dans l’humeur aqueuse, l’iris, le corps ciliaire et le cristallin s’observe dès la deuxième heure. Les concentrations les plus fortes (en µg/g de tissu) sont retrouvées, par ordre décroissant, dans la cornée, l’iris, le corps ciliaire, l’humeur aqueuse, le cristallin et le vitré. La demi-vie d’élimination de l’humeur aqueuse est de deux heures.

Biodisponibilité systémique.

L’hydrophilie et le caractère fortement ionisé ne permettent que faiblement son passage à travers la barrière hémato-encéphalique.
Après une instillation, trois fois par jour pendant dix jours, le pic sérique est très faible (0,9 ng /ml).
La demi-vie d’élimination sérique est de huit heures environ.
La liaison aux protéïnes plasmatiques est faible (25 %) ; elle est indépendante de la concentration.
L’état stationnaire est obtenu au bout de dix jours de traitement.
Le passage à travers la barrière foeto-placentaire et dans le lait maternel n’a pas été étudié.

La brimonidine
Il s’agit d’une molécule hautement sélective vis à vis des récepteurs a2-adrénergiques (28 fois plus que l’apraclonidine).

Biodisponibilité oculaire.

L’absorption cornéenne est rapide, la molécule étant relativement lipophile.
La brimonidine se retrouve dès la deuxième heure dans les tissus du segment antérieur, l’humeur aqueuse et le vitré à des concentrations suffisantes pour activer les a2-récepteurs mais nettement insuffisantes pour agir sur les a1.
La brimonidine est liée de façon réversible à la mélanine dans les tissus oculaires, cette dernière jouant le rôle de réservoir. Après 2 semaines de traitement, les concentrations en Brimonidine dans l’iris, le corps ciliaire et la chorio-rétine sont 3 à 17 fois supérieures à celles observées après instillation unique. Il n’y a pas d’accumulation en l’absence de mélanine. L’importance de la liaison avec la mélanine chez l’homme est mal connue. Elle n’entraîne pas d’effet dyschromique.

Biodisponibilité systémique.

Le pic sérique de concentration est très faible et s’observe une demi-heure à deux heures après l’instillation. La demi-vie d’élimination sérique est de 2h30, quel que soit l’âge du patient. La liaison aux protéines plasmatiques est faible (29 %).

Elimination.

La brimonidine subit un métabolisme hépatique. Elle est excrétée dans les urines sous forme de métabolites en cinq jours.

RETOUR BIODISPONIBILITE DES INHIBITEURS DE L’ANHYDRASE CARBONIQUE

Les inhibiteurs généraux : l’acétazolamide
La biodisponibilité de l’acétazolamide au cours d’un traitement prolongé dépend d’abord de son absorption intestinale qui est rapide et bonne. Son action peut donc débuter au bout d’une demi-heure à une heure (¼ h par voie veineuse). Une fois dans la circulation sanguine, l’acétazolamide est fortement lié aux protéines plasmatiques (93 %) et son degré d’ionisation est élevé. Ces deux caractéristiques abaissent son pouvoir de pénétration oculaire. Aussi la dose plasmatique médicamenteuse efficace est de 5 à 10 mg/ml. Sa demi-vie plasmatique est courte, de cinq heures environ.
La forte action inhibitrice au niveau des organes-cible est liée au fait que l’acétazolamide bloque l’activité des deux isoenzymes CAI et CAII.
Les deux cibles importantes du produit sont le corps ciliaire et le tubule rénal proximal. Les autres cibles sont les plexus choroïdes et la muqueuse digestive. L’entrée dans le corps ciliaire est passive et dépend du phénomène de diffusion. La présence du produit entraîne l’inhibition de l’anhydrase carbonique et la baisse de la secrétion ciliaire.
Parallèlement l’acétazolamide bloque l’anhydrase carbonique rénale. L’acidose métabolique qui en découle, avec ses effets secondaires bien connus, potentialise l’effet tensionnel lié à l’inhibition de l’anhydrase ciliaire. L’excrétion urinaire est totale en 24 heures sous forme non métabolisée.

Les inhibiteurs locaux : le dorzolamide
Il s’agit d’un inhibiteur spécifique de l’isoenzyme CAII. Il franchit aisément la barrière cornéenne, ce qui permet une diminution substantielle des doses et donc une exposition systémique plus faible. Il agit directement sur le corps ciliaire.

Le passage systémique.

Le produit se fixe surtout sur les globules rouges en raison d’une liaison sélective avec la CAII de ces derniers. Le composé initial est transformé en métabolite N-déséthyl qui inhibe moins puissamment la CAII mais qui inhibe aussi l’isoenzyme moins active CAI.
Le produit se fixe peu aux protéines plasmatiques (33 %). Mais sa liaison sélective avec l’anhydrase carbonique des globules rouges le met en deçà du niveau systémique d’inhibition susceptible de développer des effets secondaires rénaux.
Le dorzolamide ainsi que son métabolite sont excrétés dans les urines. Le dorzolamide se libère des globules rouges d’une façon non linéaire avec diminution rapide de la concentration initiale suivie d’une phase d’élimination plus lente avec une demi-vie d’environ quatre mois.

RETOUR LA BIODISPONIBILITE DES PROSTAGLANDINES.

Le latanoprost

Absorption oculaire

Le latanoprost (PGF2a -isopropyl-ester) est une prodrogue. L’ester, accroché à la prostaglandine rend la molécule très lipophile et le franchissement aisé de la barrière cornéenne. L’ester subit dans la cornée une hydrolyse rapide et complète en forme acide biologiquement active.

Biodisponibilité oculaire.

La libération de l’acide de latanoprost vers le corps ciliaire se fait lentement. Le pic de concentration dans l’humeur aqueuse est obtenu à la deuxième heure. Le produit se distribue aux tissus oculaires du segment antérieur, en particulier iris et corps ciliaire, à la conjonctive et aux paupières. Seule une quantité infime atteint le segment postérieur. La molécule n’est pas métabolisée dans l’œil. Chez le singe, sa demi-vie d’élimination oculaire est de trois à quatre heures.

Biodisponibilité systémique

La biodisponibilité systémique est élevée mais la demi-vie d’élimination plasmatique est rapide : 17 minutes.

Elimination

Le latanoprost subit un métabolisme hépatique. Ses métabolites ont une activité faible ou nulle. Ils sont éliminés dans les fèces et surtout dans les urines.

La biodisponibilité des drogues hypotonisantes permet de mieux comprendre leur posologie et surtout leurs effets secondaires.
En dehors des myotiques cholinergiques, elles ont toutes une absorption systémique susceptible de provoquer des effets secondaires généraux, en dépit d’un taux plasmatique faible. Mais il faut insister sur le fait qu’il existe des susceptibilités individuelles, tant locales à l’origine des réactions allergiques ou d’inconfort, que générales qui obligent à respecter les contre-indications de l’A.M.M.

12 06 99

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